Définition de MON OU MA OU MES

DÉFINITIONS - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : mon ; l'n se lie, et la voyelle perd le son nasal : mo-n ami ou ma ou mê ; l's se lie : mê-z amis

DÉFINITIONS

1
Il exprime la possession qu'a la personne qui parle. Mon bien. Ma mère. Mes malheurs.
Mais j'ai suivi mon ordre [l'ordre que j'ai reçu] et n'ai point deviné...
de Pierre CORNEILLE dans Suréna, II, 1
Certains auteurs, parlant de leurs ouvrages, disent : mon livre, mon commentaire, mon histoire ; ils sentent leurs bourgeois qui ont pignon sur rue
de Blaise PASCAL dans Pens. XXIV, 68, éd. HAVET.
Que je ne cherche point à venger mes injures [les injures que j'ai reçues]
de Jean RACINE dans Athal. II, 5
Il y a une conspiration contre moi plus forte que celle de Catilina ; soyez mes Cicérons
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. d'Argental, 8 janv. 1752
2
Devant un nom féminin commençant par une voyelle ou par une h muette, au singulier, l'usage veut qu'on emploie le masculin. Mon amie. Mon humeur.
Prenons parti, mon âme, en de telles disgrâces
de Pierre CORNEILLE dans Hor. III, 1
3
Il se dit aussi en parlant à une personne ou d'une personne qu'on aime.
Rends-moi mon Curiace, ou laisse agir ma flamme
de Pierre CORNEILLE dans Hor. IV, 5
Mon Hermione encor le tient-elle asservi ?
de Jean RACINE dans Andr. I, 1
Ma Phoedime, eh ! qui peut concevoir ce miracle ?
de Jean RACINE dans Mithr. IV, 1
Aussi bien n'ai-je point vu d'aujourd'hui ma cruelle Marine, c'est ma comtesse à moi
de BRUEYS dans Muet, I, 10
4
Sémantique : Familièrement. Il se met pour désigner des objets qui ne nous appartiennent pas dans le sens précis du mot, mais avec lesquels la personne qui parle a pourtant quelque rapport d'habitude ou de mention faite précédemment, etc. Voilà mes fous.
Voilà mon homme pris, et ma vieille attrapée
de Pierre CORNEILLE dans Veuve, IV, 7
Il [le chat] y tombe [dans un piége] en danger de mourir ; Et mon chat de crier
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. VIII, 22
Notre interprète transmit en indou le discours impie de mon jeune homme
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Voyages de Scarmentado.
Je connais mon public : l'enthousiasme passe ; il n'y a que l'amitié qui reste
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. d'Argental, 11 mars 1752
Je renverrai mon fat, et mon affaire est faite
de Jean-Baptiste Louis GRESSET dans Méchant, III, 10
Il se dit dans le même sens devant les noms propres.
Non, baron, je connais assez mon Londres, quoique je n'y sois que depuis trois semaines
de BOISSY dans Français à Lond. I, 1
Je ne suis pas scrupuleux ; je lis quelquefois mon Pétrone
de Denis DIDEROT dans Essai sur la peint. ch. 5
5
Mon, ma, mes devant les adverbes ou adjectifs comparatifs forment le superlatif. Mon meilleur ami. Ma plus chère espérance. Mes moindres chagrins.

REMARQUE

1
1. Autrefois on disait ma devant une voyelle et on élidait l'a comme nous l'élidons dans la : m'espée, m'esperance, etc. Il en est resté seulement m'amie, m'amour. C'est dans le courant du XIVe siècle que ce solécisme a commencé à s'introduire et à prendre force d'usage ; vrai solécisme, car le féminin a toujours été ma, ta, sa, et jamais mone, tone, sone. Comment s'est-il fait ? l'ancien picard, qui disait le pour les deux genres, disait aussi pour les deux genres men au lieu de mon, ma ; il est possible que l'influence picarde, qui a été considérable, se soit fait sentir et ait causé devant les voyelles la confusion de mon et de ma.
2
2. Il faut dire : j'ai mal à la tête, et non pas à ma tête, parce que le pronom je montre suffisamment que c'est ma tête dont je veux parler, et que d'ailleurs on ne peut avoir mal à la tête d'un autre. Mais il faudra dire : je vois que ma jambe s'enfle, si je veux parler de ma jambe, et non pas seulement : je vois que la jambe s'enfle, parce que je peux très bien voir la jambe d'un autre s'enfler.
3
3. Mon, ma, mes se répètent devant chaque substantif et devant chaque adjectif, à moins que ces adjectifs n'aient à peu près le même sens. On dit donc : Mon père et ma mère sont venus ; Je lui ai montré mes beaux et mes vilains habits. Mais on dit : Je lui ai montré mes beaux et brillants équipages. Il est évident dans le dernier exemple que les adjectifs beaux et brillants sont appliqués au même substantif.

HISTORIQUE

1
IXe s.
Si salvarai eo [je] cist [ce] meon fradre Karlo
dans Serment
Et Karlus meos sendra [mon selgneur]
dans ib.
2
XIe s.
Conseiler mei come mi hume saive [mes hommes sages], Ch. de Rol, II., Que jel suivrai od [avec] mil de mes fedelz
dans ib. VI
Là vous suirat, ce dist, mis avoez
dans ib. IX
Tu n'es mes hom, ne je ne sui tis sire
dans ib. XX
3
XIIe s.
Baron, amenez-moi mon felon boisseor [trompeur]
dans Ronc. 198
Ma seror te donai par bone volonté
dans ib. 198
Men escient [à mon escient]
dans ib. p. 26
Tenez m'espée
dans ib. p. 29
[à] Marsilion de moie part nonciez...
dans ib. 120
En Rencevals gisent mort mi Frenzois
dans ib. 137
Que m'amor ne soit doutée
dans Couci, I
Tuit mi penser sont à ma douce amie
dans Couci, II
4
XIIIe s.
Je voudroie, par m'ame, qu'ele fust decolée
dans Berte, XVI
5
XIVe s.
Et reçoy m'ame en ta benoite foy
dans Ménagier, I, 1
J'ay par mon ire esmeu plusieurs à jurer moult vilainement et de moult vilains sermens
dans ib. I, 3
Et que on le deist en ma presence et à mon ouie
dans ib. I, 3
Je me suis excusé et mectoie mon excusation premierement
dans ib.
6
XVe s.
Je ferray [frapperai] d'estoc et de taille De m'espée sur lui tous jours
dans Resurrect. N. S. Mystère
7
XVIe s.
Pourtant je veux, m'amie et mon desir...
de Clément MAROT dans I, 343
Sus, louez Dieu, mon ame, en toute chose
de Clément MAROT dans IV, 308
Un soleil voit naistre et mourir la rose ; Mille soleils ont veu naistre m'amour
de Pierre de RONSARD dans 52
Il m'est souvenu de mon homme
de Michel de MONTAIGNE dans I, 382
Depuis le temps des rois de très louable memoire, mes pere et aieul
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans Hist. II, 242

ÉTYMOLOGIE

1
Berry, moun, devant une voyelle : moun âne ; wallon, mi ; Hainaut, mén ; picard, men, min ; au fém. em', ème, emn' ; provenç. mas, mon ; au fém. ma, au plur. mei, miei ; espagn. et ital. mio, mia ; du lat. meum, mea. Dans l'ancienne langue mis, mes était le nominatif singulier, pour le masculin ; mon, le régime singulier ; mi, le nominatif pluriel ; mes, le régime pluriel. Mon, ma, ainsi que le, la, ton, ta, son, sa, se caractérisent comme les seuls mots qui aient gardé les terminaisons latines en um, a ; cela tient à leur enclytisme, faisant que leur finale n'avait pas occasion de tomber.